Position de la LPO Occitanie sur le projet de Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan

Les délégations territoriales Aude et Hérault de la LPO Occitanie ont toutes deux écrient au commissaire enquêteur dans le cadre de la consultation sur le projet de Ligne nouvelle Montpellier Perpignan.

Retrouvez le positionnement et argumentaire de notre association locale régionale pour les deux tronçons héraultais et audois :

Hérault

Nous souhaitons par cette présente contribution (en complément de notre participation aux ateliers de concertation, aux audits des garants de la concertation, etc.) apporter notre avis, sur le tronçon héraultais, quant au projet porté par SNCF Réseau de :
- réalisation d’une ligne nouvelle sur 150 km entre Montpellier (Hérault) et Toulouges (Pyrénées-Orientales), reliant le Contournement de Nîmes Montpellier (CNM) au nord et la section internationale France Espagne au sud (Ligne Figueras-Perpignan) ;
- raccordements (30 km) au réseau existant ;
- création de 2 gares nouvelles pour desservir l’Ouest héraultais (à Béziers) et l’Est audois (Narbonne). Les gares existantes de Sète, Agde, Béziers, Narbonne et Perpignan continueront d’être desservies grâce à des raccordements entre la ligne nouvelle et la ligne existante ou en correspondance avec des services régionaux.
Tout d’abord, il nous paraît important de souligner que la LPO Occitanie - Délégation Territoriale Hérault est favorable au transit ferroviaire (voyageurs, marchandises) dans la mesure où il s’inscrit comme une alternative aux transits routiers, maritimes et aériens, dont les émissions polluantes majeures sont largement reconnues.

Toutefois, nous tenons à mettre en exergue l’ampleur des impacts du projet de la Ligne Nouvelle Montpellier Perpignan - probablement l’un des projets les plus impactants pour l’environnement que le territoire héraultais ait connu - sur de nombreux habitats naturels, espèces communes et/ou protégées et fonctionnalités écologiques.
En effet, la plaine littorale héraultaise, et les garrigues attenantes, de par leurs caractéristiques biogéographiques, concentrent une biodiversité exceptionnelle déjà particulièrement fragilisée par les innombrables atteintes à l’environnement, qu’elles soient liées à l’urbanisation, au développement d’infrastructures industrielles, aux dérives de l’agriculture intensive, aux pollutions diverses, etc. La reconnaissance de la valeur de cette biodiversité se traduit par les nombreux classements au sein de notre territoire départemental en zones Natura 2000, en Arrêtés de Protection de Biotope, en Réserves Naturelles, en Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique, en réservoirs et corridors constitutifs de la Trame Verte et Bleue, etc. Au-delà de leur importance pour les espèces communes, ces secteurs sont également concernés par de nombreux Plans Nationaux d’Actions (PNA) engagés par l’État, sur des moyens publics, en faveur de la préservation d’espèces menacées, dont par ailleurs la LPO est opératrice pour plusieurs d’entre eux. A ces différents titres, nombre de ces territoires ont été considérés comme d’un rôle irremplaçable pour la biodiversité par le Commissariat général au développement durable en 2019.
Or, le projet va impacter, en tout ou partie, ces territoires et donc la biodiversité et les fonctionnalités écologiques qu’ils hébergent et les éventuels programmes qui les protègent. A ce titre, nous avons été interpellés par le manque de moyens accordés à l’implication des acteurs de la protection de la nature dans ce projet. Par exemple quant au fait que les comités de pilotage des PNA concernés n’aient pas été officiellement consultés et impliqués (par des groupes de travail dédiés par exemple) quant aux différentes mesures de la doctrine « Eviter, Réduire et Compenser » (ERC). C’est pourquoi nous demandons que des moyens soient accordés à l’ensemble des acteurs de la protection de la nature (Autorité Environnementale, OFB & ARB, CSRPN, Opérateurs Natura 2000, PNA, Gestionnaires d’Espaces Naturels, Associations, Collectifs citoyens, etc.) pour leur permettre de s’impliquer et de s’exprimer, dans des groupes de travail ou comités spécifiques aux mesures ERC, dans la perspective d’optimiser la prise en compte des enjeux environnementaux dans la gouvernance du projet.
Le projet LNMP aura pour principal effet de prélever une surface de l’ordre de 2 774 ha environ d’espaces naturels à l’échelle régionale, soit autant de supports indispensables à la biodiversité. De plus, ce chiffre n’inclut pas l’ensemble des espaces interstitiels entre l’A9 et la LNMP, qui sans être purement détruits, verront toutefois leurs fonctionnalités d’accueil de la biodiversité réduites de manière considérable par effets cumulés et fragmentation des habitats, voire totalement annihilées dans le pire des cas. A cela s’ajoutent la destruction d’individus de flore et de faune (dont certains appartenant à des espèces protégées) qui se trouveraient sous emprise au moment des terrassements en phase travaux, une fragmentation des habitats d’espèces, une rupture prépondérante des continuités écologiques (qui ne sera que très partiellement compensée par les mesures envisagées de reconquête de la transparence écologique), un risque de mortalité conséquent par collision en phase d’exploitation, des nuisances sonores et visuelles pouvant perturber le cycle biologique de certaines espèces et l’altération de la qualité des milieux (notamment aquatiques) par des émissions accidentelles de pollution en phase travaux ou en phase d’exploitation.
Dans un cadre général, nous tenons à souligner l’exigence qui doit être portée à la doctrine ERC en appuyant sur les étapes Éviter et Réduire, face au constat de l’impossibilité à appréhender les impacts environnementaux dans leur ensemble et donc d’autant plus à les compenser. Ce constat est renforcé par l’ampleur des surfaces de compensation à mettre en place, dont le total s’élèverait à 5 765ha, ce qui est incompatible avec les disponibilités du territoire régional, d’autant plus que ces mesures hypothèqueraient des surfaces agricoles et naturelles qui constituent déjà un biotope à part entière qu’il faudrait alors détruire ou modifier. Pour l’Autorité Environnementale, ce point est majeur dans le processus d’autorisation du projet. Devant une impossibilité à compenser des incidences sur des habitats ou des espèces d’intérêt communautaire, la seule possibilité est de reprendre l’analyse de solutions de substitution, position que rejoint totalement la LPO Occitanie - Délégation Territoriale Hérault.
Il nous apparaîtrait par ailleurs inapproprié que ces mesures compensatoires soient établies en rupture avec la nécessité d’une équivalence écologique locale et cohérente avec les impacts résiduels avérés.
En l’état, il nous paraît inacceptable que la concertation engagée s’appuie essentiellement sur la perspective de compensation et non sur l’évitement et la réduction des impacts de ce projet. Nous demandons donc, à ce titre, que cette concertation soit complétée d’un travail majeur impliquant les citoyens et les partenaires scientifiques et naturalistes dans l’approche d’évitement et de réduction, afin que SNCF Réseau puisse démontrer avec transparence que le projet retenu est celui de moindre impact quant aux enjeux environnementaux, y compris dans une approche d’impacts cumulés sur ce territoire.
Nous regrettons que l’articulation entre les mesures ERC de l’A9 et celles projetées pour la LNMP n’apparaisse pas clairement dans le dossier de DUP. La fragmentation générée par la LNMP vient s’ajouter à celle déjà majeure induite par l’A9, et il semble qu’aucune optimisation ou mutualisation de la réduction de la coupure et de ses conséquences n’ait été partagée entre le gestionnaire de l’A9 et le maître d’ouvrage de la LNMP.
Un tel impact écologique, ne pourrait être justifié que par un réel besoin reconnu d’utilité publique. Or qu’en est-il de l’utilité publique de ce projet lorsque :
- la stratégie est basée sur une séparation du transport à moyenne vitesse (fret et voyageurs régionaux quotidiens) et du transport à grande vitesse (voyageurs longue distance), le transport à moyenne vitesse étant maintenu sur la ligne actuelle, ligne pourtant condamnée à disparaître à court ou moyen terme par la montée du niveau de la mer,
- le devenir de la ligne ferroviaire actuelle, ne fait l’objet d’aucune analyse des besoins alors que l’atteinte des objectifs assignés au projet (et évoqués en concertation) nécessite son bon fonctionnement et le développement de dessertes infrarégionales cadencées,
- les retours d’expérience de projets de lignes et gares nouvelles similaires ne sont pour le moment que peu probants (la gare Montpellier Sud de France paraît pour le moment sous-utilisée),
- le dossier ne fait pas état de l’évolution à moyen et long termes des besoins de mobilité, en particulier suite à la crise sanitaire, et en prenant en compte la stratégie nationale bas carbone, les capacités du projet à répondre à la demande de fret ferroviaire et aux objectifs nationaux en la matière, ne sont pas démontrées, ni même les perspectives d’évolution des flux de marchandises sur ce tronçon,
- les conclusions du dossier ne portent que sur la phase d’exploitation, sans relever que les émissions évitées de gaz à effet de serre en 15 ans représentent 6,3% des émissions de la phase travaux, et qu’il faudrait à ce rythme, selon l’Autorité Environnementale, 240 ans pour les compenser. La contribution du projet à l’atteinte des objectifs de la stratégie nationale bas carbone en 2050 s’avère donc non seulement limitée mais même négative,
- on entrevoit la perte de services rendus à l’homme que représentera la destruction ou la dégradation des espaces naturels et agricoles impactés par le projet,
- on envisage les nuisances accrues (visuelles, sonores, ressenties par vibrations) pour les « riverains » de cette nouvelle infrastructure qui verront leur cadre de vie à jamais bouleversé,
- on appréhende la perte de temps engendrée par le caractère excentré des gares nouvelles, la diminution de la desserte de certaines gares pourtant majeures telles que la gare de Sète ou Agde, et les consommations énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre occasionnées par les déplacements vers ces gares nouvelles.
En aucun cas le seul gain de quelques dizaines de minutes sur le trajet Montpellier-Perpignan ne peut suffire à proclamer l’utilité publique d’un projet si impactant pour la biodiversité.
Une ligne nouvelle semble indispensable si nous nous projetons dans une optique de recul stratégique des populations et des équipements au regard de la montée du niveau des mers. Toutefois, le projet doit être totalement repensé afin de proposer une infrastructure ferroviaire répondant à l’ensemble des besoins (transport de fret et transport infrarégional de voyageurs inclus) et des défis et objectifs de demain : limiter l’artificialisation des sols, la perte de biodiversité et la disparition des terres agricoles, atteindre un objectif de neutralité carbone, répondre aux besoins d’une société en mutation, etc, le tout dans un contexte de changement climatique.
En l’état actuel du projet et de sa justification par son maître d’ouvrage, la LPO Occitanie - Délégation Territoriale Hérault ne reconnaît pas l’utilité publique de celui-ci et dénonce les impacts écologiques colossaux qu’il induira, ainsi que l’insuffisance des mesures d’évitement et de réduction identifiées notamment au regard de l’incapacité attendue de mise en oeuvre et d’efficacité des mesures compensatoires.
La LPO Occitanie - Délégation Territoriale Hérault émet donc un avis défavorable à ce projet de Déclaration d’Utilité Publique du projet de Ligne Nouvelle Montpellier Perpignan.
La LPO Occitanie - Délégation Territoriale Hérault demande :
- le retrait du tracé dans l’attente d’études complémentaires devant permettre de répondre à l’ensemble des objectifs actuels et futurs et non calqués sur une vision datant de plusieurs décennies,
- que ce projet soit considéré à la hauteur des enjeux environnementaux qu’il va affecter,
- que ce projet soit exemplaire au regard de la réglementation relative aux espèces et habitats protégés, que l’approche d’évitement et de réduction des impacts soit réévaluée puis détaillée avec grande transparence dans des espaces de concertation dédiés afin de servir de base au choix des scénarios étudiés,
- que SNCF Réseau puisse démontrer avec transparence que le projet retenu est celui de moindre impact quant aux enjeux environnementaux, y compris dans une approche d’impacts cumulés sur ce territoire,
- que soit évaluée la capacité du territoire à accueillir les mesures compensatoires requises et, si elle n’était pas avérée, de reprendre l’analyse des solutions de substitution et potentiellement de les faire évoluer,
- que la rupture écologique occasionnée par l’A9 et la ligne nouvelle soit minimisée et appréhendée de manière concertée entre les gestionnaires et maîtres d’ouvrage de ces deux infrastructures,
- la mise en place d’une concertation accrue avec les citoyens ainsi que les partenaires scientifiques et naturalistes, et notamment que des moyens soient accordés à l’ensemble des acteurs de la protection de la nature (Autorité Environnementale, OFB & ARB, CSRPN, Opérateurs Natura 2000, PNA, Gestionnaires d’Espaces Naturels, Associations, Collectifs citoyens, etc.) pour leur permettre de s’impliquer et de s’exprimer, dans des groupes de travail ou comités spécifiques aux mesures ERC, dans la perspective d’optimiser la prise en compte des enjeux environnementaux dans la gouvernance du projet.
Enfin, la LPO Occitanie - Délégation Territoriale Hérault remet en question la durée de la présente consultation, considérant que 45 jours, comprenant qui plus est 15 jours de fêtes de fin d’année, est une durée clairement insuffisante pour permettre une analyse fine et détaillée d’un dossier d’une telle ampleur.

Aude

Le projet de la Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan intersecte de nombreux habitats d’espèces
rares et menacées en France et en Europe : Aigle de Bonelli, Pie-grièche à Poitrine Rose, Outarde
Canepetière, Pie-grièche à tête rousse, Pie-grièche méridionale, Faucon crécerellette, Cochevis de
Thèkla, Traquet Oreillard, Lézard ocellé entre autres. Pour l’ensemble de ces enjeux de biodiversité, la
LPO Occitanie délégation territoriale Aude demande à ce que le projet intègre pleinement des mesures d’évitement et de réduction conséquentes. En effet pour nombres de ces espèces, il n’existe plus d’habitat de replis et les effectifs des populations sont déjà critiques. De ce constat, nous réitérons nos avertissements sur l’impossibilité
de compenser l’impact sur les noyaux de biodiversité identifiés.
La LPO Occitanie délégation territoriale Aude propose notamment à ce que le passage en tunnel de l’ensemble du massif des Corbières soit privilégié afin d’éviter de détruire paysages et habitats d’espèces menacées. Cette
solution, même si elle est plus couteuse, permettrait aussi de permettre le passage du FRET et d’éviter
des travaux impactant et non viables à long terme sur la ligne Narbonne- Port-la-Nouvelle au vu des
risques accrus de submersion.
Aussi, la LPO Occitanie délégation territoriale Aude juge que le projet présenté lors de cette concertation ne prend pas à sa juste mesure la conservation de l’exceptionnelle biodiversité de la zone de passage.
Pour ces raisons, la LPO Occitanie délégation territoriale Aude est défavorable à ce projet de Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan.

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